La lipidose hépatique, un mécanisme qui profite du vêlage
Lors de bilan énergétique négatif, il y a un manque d’apport de glucose : la vache déstocke donc la graisse contenue dans le tissu adipeux pour l’envoyer vers les deux seuls organes capables de transformer les lipides en glucose : 85 % dans le foie et 15 % dans le rein. Le foie capte ces graisses, mais leur transformation en glucose libère des lipides qui s’y accumulent. Le mécanisme qui permet de faire sortir ces graisses en temps normal marche moins bien car il utilise des protéines, qui elles-mêmes se font rares à cause de la sous-nutrition de la vache. Cette accumulation des graisses dans le foie s’appelle lipidose (ou stéatose) hépatique : les cellules remplies de graisse ne peuvent alors plus bien remplir leur rôle.
Des effets néfastes
La lipidose hépatique provoque les effets suivants, menant à une chute durable de la production laitière :
- cétose (cf l’article « Que se cache-t-il derrière l’acétonémie » de Jean-Michel Cuminet) avec augmentation des risques sanitaires.
- risque d’hypocalcémie par diminution de la synthèse hépatique de vitamine D, qui maintient la concentration en calcium dans le sang.
- baisse de l’efficacité immunitaire, qui jointe à l’hypocalcémie, augmente les risques de métrite, mammite…
- diminution de la capacité à détoxifier l’ammoniaque en urée ; cela provoque entre autres des problèmes de digestion.
- risque de cirrhose (transformation irrémédiable des cellules en tissus fibreux) chez les vaches âgées : leur foie devient alors en partie définitivement non-fonctionnel.
Préparer le rumen au vêlage
Tout se joue avant le vêlage ! En effet, il faut préparer la vache à l’explosion de ses besoins en glucose due à la production de lait : avec le démarrage de la lactation, elle passe de l’utilisation de 1 kg de glucose par jour avant le vêlage à 2,5 kg de glucose par jour après celui-ci !
Pour cela, il faut parvenir à modérer le bilan énergétique négatif des premières semaines postpartum en maintenant les capacités d’ingestion de la vache, et celles du rumen à bien produire et à assimiler les nutriments :
- en proposant un fourrage de qualité à volonté, pour maintenir sa capacité d’ingestion.
- en préservant les papilles du rumen permettant d’absorber les nutriments. C’est la présence d’amidon qui maintient les papilles. Elles régressent très rapidement (1 semaine) en son absence, mais mettent 5 semaines minimum à se développer. Il est conseillé de continuer à distribuer une source d’amidon sur toute la durée du tarissement.
- en maintenant et en développant la flore bactérienne capable de dégrader l’amidon. Il faut minimum 3 semaines à une flore pour s’adapter à son alimentation. Pour cela, on crée un lot de vaches en préparation au vêlage 21 jours avant vêlage, et on augmente progressivement l’apport d’amidon dans la ration (référez-vous à votre conseiller).
Maîtriser l’état corporel au tarissement
Attention, il ne faut pas que la vache s’engraisse lors du tarissement : si la vache a besoin de reprendre de l’état, il faut s’y atteler pendant la deuxième partie de lactation, car un engraissement durant le tarissement augmente le risque de lipidose. La note d’état corporel idéale en début de tarissement comme au vêlage est de 3 à 3.5. Si la vache est grasse au vêlage, le bilan énergétique est encore plus négatif. En effet, une vache grasse utilise comme source d’énergie les lipides de son tissu adipeux, qui circulent en grande quantité dans son sang. Cela envoie un signal de satiété à la vache pour limiter sa prise de poids, et la vache ingère moins d’aliment. Ce mécanisme, utile en temps normal, puisqu’il a pour but d’éviter d’aggraver le surpoids, est très délétère au vêlage, car l’ingestion de la vache grasse (Note d’Etat Corporel NEC à 4 ou plus) est inférieure de 20 % aux vaches ayant une NEC normale (3-3,5).
D’autre part, pour limiter les risques d’hypocalcémie, qui provoque des problèmes sanitaires diminuant l’appétit et causant une lipidose, une ration à BACA négative permet d’augmenter la disponibilité du calcium dans l’organisme. Elle est conseillée dès 21 jours avant vêlage.